Je publie, tu supprimes, je publie, je ruse, tu supprimes, je publie, ...

Conférence :  Les cybercitoyens chinois sont-ils contrôlables ?

8 décembre 2011 -- par Renaud de Spens (observe le web chinois et analyse l'opinion chinoise ainsi que la réaction de la censure face aux buzz déclenchés sur internet)

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2000 : 23 millions d’utilisateurs internet en Chine (France : 8-10 millions)                                        

2005 : 100 millions

2011 : env 500 millions, soit 40% de la population chinoise  (En France : env 70% de la population utilise internet)

Env 300 millions d’utilisateurs ont une activité régulière de posts sur des forums ou sites de micro-blogging. 

Entre 30 000 et 40 000 cyberflics ( 1 pour 1500 internautes)

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La censure en Chine fait partie de la culture politique, héritage du modèle soviétique du début du siècle. Pour les politiciens, il serait impensable de  ne pas l’appliquer:

    - pour le bien des citoyens, vu le nombre d’informations fausses circulant sur internet (raison officielle présentée comme justifiant le contrôle de l’information)

     -mais aussi et surtout pour la sécurité du Parti, car le PCC est tout à fait conscient que, s’il est parvenu à battre le Kuomintang (parti nationaliste à la tête de la République de Chine de 1911 à 1949), c’est parce qu’il a su profiter d’une plus grande liberté d’expression accordée par le régime à cette époque. Aujourd’hui, le parti craint donc naturellement qu’en relâchant sa surveillance, le peuple se soulève, qu’un autre parti arrive au pouvoir , que le régime soit renversé.

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L’email a été inventé en 1987. Le Quotidien du Peuple a été mis en ligne pour la première fois en 1999 (Le Monde en France en 1997). La politique de ‘’bouclier doré’’ (= la censure) a commencé en 1998, et le grand pare-feu  de l’internet chinois (parfois appelé la Grande Muraille), bloquant l’accès aux sites étrangers contraires aux valeurs du gouvernement, de même que les sites tels que Twitter, Facebook et Youtube, a commencé à être installé en 2005.

Aujourd’hui, la majorité des Chinois utilisent un VPN pour contourner la Grande Muraille. Même le chanteur d’opéra pékinois qui ne s’intéresse pas à la vie internationale et pense qu’une mer sépare la Chine de l’Europe utilise un VPN pour accéder à Youtube, sans quoi il ne peut pas travailler correctement.

Le gouvernement chinois a mené une politique de lutte contre les VPN à la fin de l’été dernier. Pendant un mois, les VPN, surtout ceux disponibles gratuitement, marchaient mal ou pas. Mais rapidement, cette politique a été abandonnée, submergée par l’ampleur de la tâche (ou peut-être volontairement, qui sait ?)

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Le web 2.O (=possibilité pour les utilisateurs de commenter les articles, développement des blogs et des réseaux sociaux permettant aux internautes d’interagir entre eux) est apparu en Chine à une date très précise : le 9 mai 1999, l’ambassade chinoise à Belgrade explosait, mettant les Chinois sous le choc. C’est le gouvernement lui-même qui a encouragé les Chinois à s’exprimer sur internet pour manifester leur attachement à la Chine et s’insurger contre cette attaque de leur pays.

Jusqu’en 2005, le gouvernement était donc partisan d’une certaine politique de la cocotte minute, laissant au peuple la possibilité de s’exprimer sur internet pour lui permettre d’évacuer son mécontentement.

Ceci a été brutalement remis en question en 2008 à cause des aventures de la flamme olympique (avril 2008) et de l’affaire du lait contaminé à la mélanine (sept 2008) -- aussi à cause du Tibet et du tremblement de terre au Sichuan (mai 2008).

* Avec l’histoire de la flamme olympique, les Chinois prennent violemment conscience que le monde les déteste, c’est un choc énorme. Dans un premier temps, le gouvernement  chinois libéralise la couverture des informations à l’international car les Chinois avaient besoin de savoir ce qu’il se passait, de défendre leur pays ;  internet permettait de dépasser le problème causé par le décalage horaire. Mais très rapidement, le gouvernement a voulu calmer le jeu et reprendre le contrôle de la situation, notamment avec l’apparition de manifestations anti-étrangers.  Les nationaux les plus actifs ont donc dû commencer à s’organiser pour contourner la censure -- > forums avec mots de passe par ex.

* L’apparition de l’affaire du lait contaminé dans les médias en septembre 2008 déclenche un scandale inouï : très vite, les Chinois apprennent que la censure a empêché que cette affaire ne sorte plus tôt (= pendant les JO). C’est alors un déferlement de haine contre le gouvernement, le parti et tous les internautes nationalistes qui soutiennent le parti. Apparition de l’expression ‘’5 mao’’ (=50 centimes) pour désigner (plutôt injurier) les gens qui, paraît-il, recevaient 5 mao de la part du gouvernement chaque fois qu’ils publiaient quelque chose soutenant le parti.

 En juillet 2009, suite à des émeutes dans une province chinoise (dont je n’ai pas retenu le nom dsl), l’accès à internet dans la province en question est coupé durant 6 mois, et c’est à ce moment-là que l’accès à Facebook, Youtube et Twitter sont coupés.

En août 2009, Weibo (le Twitter chinois) est crée. C’est un succès fulgurant.

Utilisateurs de Twitter : 1 Français sur 30, 1 Américain sur 20

Utilisateurs de Weibo : 1 Chinois sur 7

(insistons : non pas un internaute chinois sur 7, mais bien un Chinois sur 7)

Comme sur Twitter, les posts sur Weibo sont limités à 140 caractères. Sauf qu’en chinois, en 140 caractères, on dit beaucoup beaucoup plus que 140 caractères en anglais (et à plus forte raison qu'en français).

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Il y a 5 ans, la censure sur les sites de micro-blogging (forums, Weibo ) était effective dans les 5 à 10 min suivant la publication du post. Mais avec les différentes affaires qui ont mobilisées l’opinion des internautes et créées de gros buzz, la censure a été complètement submergée, puisque les gens republiaient en permanence les informations, qui étaient donc finalement disponibles pendant suffisamment de temps pour que tout le monde soit au courant avant que la censure n’en vienne à bout.

Aujourd’hui, la censure est effective en 1h.

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Jusqu’à 2008-09, les internautes chinois exprimaient leur mécontentement/ satisfaction sans aller plus loin -- > sorte d’expression de la sentimentalité

A partir de 2009, l’effet de masse donne naissance à des concepts : internet a permis en Chine le développement de l’expression politique et sociale, qui ne fait pas partie de la culture chinoise (pas seulement à cause du régime mais aussi surtout car les Chinois n’aiment pas parler avec leur famille ou leurs amis de sujets qui fâchent)

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La plupart des Chinois craignent d’avoir des problèmes s’ils s’expriment trop librement sur internet. En réalité, pratiquement la seule sanction que l’on risque, c’est de voir son post supprimé, sans conséquence pour la personne (à moins d’être un activiste et de se faire remarquer par le gouvernement). Cette autocensure du peuple est bien pratique pour le gouvernement.

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A cause des VPN, et à cause de la vitesse à laquelle les internautes relaient les informations sur la toile, la censure est aujourd’hui complètement obsolète en Chine.

La seule utilité de la censure en Chine aujourd’hui, c’est d’empêcher la scène internationale de se rendre compte de l’état de l’opinion publique chinoise.

Aujourd’hui, la censure est une gêne, une sorte de harcèlement qui ralenti l’activité des utilisateurs internet.

Mais si l’internet chinois est aussi riche, c’est bien grâce à la censure, qui a poussé les gens à faire preuve de créativité et de ruse.

Chose extrêmement surprenante : l’explication des  mots codés employés par les internautes activistes dans leurs posts et articles est accessible sur Baidu (le Google chinois) !

La propagande a un plus bel avenir que la censure, les chaînes d’information reprennant les informations circulant sur internet/ les réseaux sociaux et en donnent une explication officielle, en dédramatisant la situation etc…

Comments

[CelEnChine]

Bonjour Camille,



Je viens de découvrir ton blog et je l'aime beaucoup. Suis expat à Pékin aussi, mais pas pour le chinois, pour le boulot.

Bref j'aime bien ton site, j'apprends des choses très intéressantes; Et au passage j'aimerais bien savoir quelle est l'association qui propose des conférences en français sur la Chine !

En tous cas bonne continuation pour Pékin et pour le blog.



Céline