Les travailleurs-spectateurs

Selon les données divulguées par le PCC, la Chine serait au plein emploi depuis dix ans (officiellement, le taux de chômage urbain tourne à 4-5% depuis 2003). En fait, il est impossible de connaître les véritables données, et il est fort probable que le gouvernement chinois lui-même n'ait aucune idée de la situation exacte sur son territoire. Selon les experts, si on comptabilisait le chômage en milieu rural,  le chiffre exploserait à 20%. Toute la difficulté de la question est que, comme vous vous en doutez, le nombre de travailleurs non déclarés est inouï, et qu'en Chine, pas de Pôle Emploi national, pas de RSA, donc pas de pointage officiel. 

En revanche, moi, avec mes petits yeux de Pékinoise d'adoption, je suis tout le temps témoin de scènes étonnantes qui expliquent fort bien ce taux incroyablement bas. Je veux dire, lorsque vous passez devant un arrêt de bus, et qu'ils sont huit armés de brosses et de sceaux à nettoyer UN bus, tout de suite on trouve un début d'explication. Ou bien lorsque vous apercevez un groupe d'une quinzaine de femmes en gilet orange fluo et fichu sur la tête, accroupies devant un parterre à planter des fleurs en rang d'oignons (les fleurs, tout comme les femmes, le rang d'oignon). Ou bien lorsque vous croisez un chantier, et qu'ils sont cinq ou six assis, accroupis ou appuyés sur leur pelle, entourant UN ouvrier qui effectue le travail. Ou bien lorsque vous entrez dans un restaurant ou un salon de coiffure, et que les fuwuyuan papillonnent de partout sans que vous puissiez les compter. Ou bien lorsque le réparateur de la télé vient chez vous avec deux, voire trois collègues, qui restent plantés là pendant que lui fait son diagnostic. 

Alors en soi, très bien, au moins tout le monde est occupé, tout le monde contribue au bien commun. Mais moi ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est comment les employeurs arrivent à rentrer dans leur frais, à payer des gens qui ne sont pas nécessaires -- même si le salaire n'est pas mirobolant, dix ''inutiles'', ça finit par faire une somme. Sans compter que ''plus on est nombreux, plus on est paresseux'' (proverbe camillnois :D). 

L'autre soir, en rentrant chez moi, je n'ai pas pu m'empêcher d'immortaliser ce magnifique moment: 

                                           

Ayant immobilisé une voie, ils sont ici 7 ou 8, et l'un d'eux est à l'intérieur du trou (égout, eau ou électricité, peu importe). Mais admirez quand même l'énergie travailleuse qui se dégage de cette photo: entre celui qui est assis à l'intérieur de la camionnette, celui qui mange, celui qui a les mains dans les poches, celui qui est assis sur la chape de métal en position plage, et les trois accroupis... il y a du niveau! 

                        

(Ca, c'est la photo d'une photo                                                         Dans une rue de Pékin...
dans le musée de l'Armée des Terracottas à Xi'an,
montrant les fouilles du site il y a quelques dizaines
d'années)